par Adrienne Huard et Lindsay Nixon
traduit par Audrey Bilodeau Fontaine
La fin du monde approche et tout le monde en parle. Les conversations sur le réchauffement climatique circulent dans les médias de masse et pour les artistes-hipsters, “Anthropocène” est le nouveau mot à la mode, émergeant dans le vernaculaire quotidien. Par contre, en s’opposant à la notion de colonialité attachée à “Anthropocène”, et en le plaçant dans un contexte apocalyptique, on peut ainsi comprendre le niveau d’éradication que le monde occidental moderne a imposé sur les peuples non-blancs. Quel est le sens de tout cela pour les personnes noires et autochtones, quand leur communautés ont déjà affronté l’apocalypse environnementale, sociale, politique et culturelle causé par les guerres et l’asservissement occidental et colonial? Ne sommes-nous pas déjà confronté.e.s à notre propre dévastation en cours? En créant, en réfléchissant et en se ralliant, les personnes noires et autochtones se concentrent sur leurs propres futurs et s’entraident, solidaires. Créer est un mécanisme de survie. Et bien que le concept de linéarité du temps soit une fabrication occidentale, se raccrocher aux fantasmes d’un futur prospère est ce qui nous permet de continuer d’avancer. Nous créons, afin de célébrer notre futur imaginaire.
ReCollection Kahnawake (avec Jonas Gilbert) collabore avec des jeunes des Premières Nations de la réserve Mohawk de Kahnawá:ke sur un projet de photographie de mode qui dépeint des Haudenosaunee futuristes. Les visages et les corps sont décorés par un éventail de motifs aux couleurs vibrantes, de coiffures de tresses raffinées, de bijoux élaborés et de lignes peintes. Par le modèle d’ornementation intergénérationnel au goût du jour, la série dépeint l’excellence autochtone. Les yeux des jeunes croisent le regard du spectateur, établissant leur détermination en tant que peuple souverain du territoire non-cédé de Kanien’kahá:ka. Les photos sont peut-être un miroir de la mode présentée dans le Vogue, mais elles refusent l’appropriation culturelle et l’exotisme que cause le regard occidental. Plutôt, ReCollection Kahnawake et Gilbert embrasse la représentation autochtone et exhibe une jeunesse autochtone autonome et indépendante qui célèbre la tradition tout en regardant vers les futurs ancêtres.
Les co-auteur.e.s Stacy Lee et Dayna Danger incarnent des narratifs souverains dans une série photographique où leurs corps nus sont dépeints en utilisant temps, lumière et mouvement – une fusion de couleurs qui se fond dans leurs peaux et crée des teintes variantes. Inspiré par le mouvement du Colour Field Painting, les artistes évoquent l’émotion par la couleur et l’abstraction et réclament le Modernisme en insérant des corps noirs et autochtones dans les oeuvres. Les collaborations sont réfléchies et réciproques et les mouvements découlent de façon intuitive et engagent les participant.e.s – créant un moment qui subvertit la lecture blanche des corps sous-représentés. La photographie a historiquement représenté les personnes noires et autochtones en objets de consommation et fétichisation mais ici, le projet réclame un narratif commun et ensemble, dans une relation de confiance, les artistes et les participant.e.s revendiquent leur pouvoir et subvertissent le regard colonial.
Pour ce premier projet de mentorat, le collectif de commissariat gijiit a facilité la conversation entre les communautés créatives de Tio’tiá:ke/Mooniyang (Montréal) en travaillant avec des modèles non-hiérarchiques et des partenaires collaboratifs. Nous reconnaissons l’importance de l’apprentissage et l’enseignement latéral, dissolvant les modèles administratifs d’arts occidentaux dans le processus. Cette exposition honore une myriade d’affinités créatives et autres tendances de survie.