11/05/2016 - 00:00 - 12/04/2016 - 00:00

 

Chacune à leur manière, les quatre artistes qui composent l’exposition Mémoires futures présentent des travaux qui examinent le temps, en particulier les espaces temporels se situant entre le passé, le présent, la mémoire, l’historicité et les futurs éventuels. Ayant recours à différents médias, de la vidéo au tissage, les artistes Ambivalently Yours, Sophia Borowska, Zinnia Naqvi et Zeesy Powers partagent des moments de questionnement sur la notion moderne du temps, où le passé-présent-futur est une direction linéaire vers le progrès. Les quatre artistes défont un courant de pensée selon lequel le futur est constitué par la dévalorisation du passé et l’effacement du présent[1]. Elles nous proposent plutôt de s’attentionner aux interruptions particulières dans la notion moderne du temps, en se focalisant sur les temps morts, le hasard, le gaspillage numérique, l’ambivalence, les contradictions, les délais et l’infinitude.

            Une collaboration entre articule et Les HTMlles 12 : Festival féministe d'arts médiatiques + de culture numérique présenté par Studio XX, l’exposition Mémoires futures examine le thème du festival, « Conditions de confidentialité », en brouillant les lignes entre les espaces dichotomiques, tels que la propriété privée et l’engagement public, le passé et le futur, le virtuel et le physique, l’est et l’ouest, le soi et l’autre. Ensemble, les quatre artistes présentent des archives interactives, qui documentent le passé qui est présent, ici, hors ligne, étirant les souvenirs vers un futur incertain.

            Initialement réalisés sur un blog Tumblr, les dessins derrière le personnage anonyme virtuel Ambivalently Yours explore un monde de l’entre-deux, où les illustrations, animations et esquisses sonores de couleur rose émanent d’une indécision résolue. En partageant en ligne des opinions discordantes, dans l’acte conscient de rester indécis, le blog « facilite l’exploration de convictions féministes au sein d’une communauté virtuelle de celles et ceux qui habitent l’entre-deux[2  ».          

Le projet Data Excess (2016) de Sophia Borowska matérialise les « gaspillages numériques », tels que les pourriels pornographiques et les captures d’écran à basse résolution. En tissant ces surplus numériques à l’aide d’un métier à tisser assisté par ordinateur, Borowska recycle le virtuel et prolonge la présence de ces messages dans notre vie à l’extérieur des centres de données.

            Pour sa vidéo expérimentale Seaview (2014), Zinnia Naqvi est retournée dans le pays d’origine de sa famille, le Pakistan, pour comparer les souvenirs d’enfance avec les expériences quotidiennes d’aujourd’hui. En alliant des vidéos de famille à des images récentes sur une trame audio qui raconte les différentes circonstances de son histoire personnelle, Naqvi partage les moments difficiles de son voyage dans le passé, ainsi que les complications dans la traduction de cultures à travers le temps et les océans, entre les idéaux de la société occidentale et ceux de la société orientale.

 

            Dans l’installation The Averaging Mirror (2016), Zeesy Powers brouille les égoportraits (« selfie »). À l’aide de l’algorithme OpenCV de la reconnaissance faciale, le miroir « anti-selfie » dissimule le reflet numérique de celle ou celui qui se regarde, rappelant ainsi la déformation du temps de l’énonciation, du moment éphémère, du présent fugace. Dès lors, le miroir, dans le contexte de cette exposition, symboliserait également l’infini se fixant vers l’infinitude.

            En élargissant la portée du moment significatif de l’art en y incluant l’exploration d’une myriade d’espaces temporels (souvent oubliés) de l’entre-deux, Mémoires futures interrompt la notion du temps linéaire et propose une très large interprétation du thème du festival Les HTMlles « Conditions de confidentialité ». Mémoires futures réoriente temporairement notre regard contemplatif vers les préoccupations de l’art numérique féministe contemporain, regorgeant et resplendissant de toutes ses contradictions intentionnelles.

 

Candace Mooers a grandit à Fredericton et depuis 2012, vit et travaille à Montréal. Elle fait partie du comité de programmation du Studio XX et co-produit régulièrement l'émission de radio Prison Radio Show à CKUT 90.3 FM. Elle aime la musique punk, les zines, cuisiner et la politique anarchiste.


[1] Ross, Christine. The Past is the Present; It's the Future Too: The Temporal Turn in Contemporary Art. New York: Continuum, 2012

[2] ambivalentlyyours.tumblr.com

 

Traduit de l'anglais par Thy-Anne Chu Quang

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Candace Mooers