05/03/2013 - 00:00

Le désir de créer ou de recréer naît, entre autre, du besoin d'altérer ou de s'adapter. Si, par exemple, j’ai besoin d’un outil particulier pour accomplir une tâche spécifique, je peux modifier un outil existant afin qu’il réponde mieux à mes besoins, détruisant du même coup sa fonction première. Toute fonction est éphémère. Prenons une roulotte : elle propose une version romancée, burlesque du voyageur et du gitan, une déformation du concept de liberté. Pourtant, malgré ses promesses d'errance et d'une vie temporaire de plaisir, il s’agit d’une résidence provisoire dont le potentiel inné est constamment contrecarré. Lorsque l'été est terminé, elle demeure stationnée dans l'entrée ou encore, s'arrête définitivement et devient une maison stable. Dans le second cas, ce domicile peut sans cesse être rénové, et l'adaptabilité sans fin est l'imago de la liberté infinie. Toute nouvelle addition au plan implique que soient retirés des éléments d’un projet antérieur, qui doivent à leur tour être consolidés en utilisant des matériaux d’une amélioration plus ancienne, et ainsi de suite, en boucle, créant un sentiment de nostalgie pour la mélancolie même. Plusieurs y perçoivent une certaine étrangeté domestique.

Ici, la simulation est sensée évoquer l'idée de l'original, mais pas le remplacer. C'est un simulacre authentique, renversé physiquement et métaphoriquement, à un point tel que tout ce qu’il pouvait comporter de kitsch lui est retiré, mise à part une certaine mélancolie qu’on chérit. Les liens affectifs se transforment en anxiété et la familiarité devient une inquiétante étrangeté. C’est une seconde forme de réel qui se tient tout à côté, qui se superpose peut-être même un peu.

Une île est comme une forteresse. On y est en sûreté, protégé du monde extérieur, mais on risque facilement de s'y retrouver désespérément emprisonné. Notre meilleure défense peut s'avérer être notre plus redoutable vulnérabilité; tout comme un château n'est autre qu'une prison inversée, la version miniature et idyllique du monde que constitue la vie insulaire est le revers du cauchemar étouffant d'une vie sans issue. C'est l'inévitable dualité des choses, un aller retour incessant entre la sécurité et la menace, et la nature même de la vie : un heureux cadeau offrant une abondance d'expériences et de créations, qui termine forcément sa course dans le grand vide de la mort.

 

 

Graham Hall vit et travaille à Montréal. Il est diplômé de l'Ontario College of Art and Design (Drawing and Painting, 2000), et du programme hors campus de OCAD à Florence, Italie (2001). Après des années de travail d'une manière figurative, les toiles plus récentes de Hall montre un intérêt croissant pour l'abstraction. Graham est membre actif d'articule depuis 2003.

Project(s): 
Participating artists: 
Graham Hall
Credits: 
Image : Sherry Walchuk, 2012