Nous souscrivons quotidiennement à différents types d'autosurveillance. Grands régisseurs de contenus, d'informations et d'images, ceux-ci modifient les fondements du sujet. Ce dernier devient de plus en plus exogène, se construisant et se définissant par sa relation aux médias, à une distance variable de la réalité.
Un monolithe émerge. Structure octogonale omnisciente. Nous sommes surveillés.es. Des caméras braquées sur des sections bien délimitées de la galerie accentuent la conscience que nous avons de nous-mêmes. Un terrain de jeu miné. Des objets y sont parsemés - le strict nécessaire - signes d'une présence en suspens. L'intérieur de la structure révèle l'envers du décor. Des écrans sont disposés en ordre serré. Sur l’un d’eux, nous faisons une fugitive apparition. Cette image se mêle aux autres images qui montrent l’espace, parfois habité, parfois vide, comme en attente. Un caractère fantomatique émerge de ces images qui évoquent l’absence et la dématérialisation du corps.
Naviguant dans une temporalité et des espaces incertains, nous créons peu à peu un scénario. Qui est vraiment présent, en ce moment, dans l'espace? Qu'est-ce qui est scénarisé et qu'est-ce qui est réel? Quel récit émerge de ce montage? Qui contrôle qui?
L’oscillation constante de notre jugement entre fragmentation et cohésion, renforcée par la présence d’une maquette de l’installation, engendre la mise en abyme. Captive d’un univers d'indices où se jouent des relations précaires entre les espaces intérieurs et extérieurs, la subjectivité, en tant que singularité spatiale et temporelle, est mise à l'épreuve. Le réel se confond au fictif, le soi à son double médiatique. L'installation prend alors vie. Elle se métamorphose par la formation et la mutation perpétuelles de la mise en scène qui ouvrent au prolongement du récit.
Une conscience médiatique se développe. Elle règle nos gestes par rapport au dispositif filmique, tout en prenant en compte notre appréhension d'être captés.es par les caméras.
Ressaisissant les rênes de notre raisonnement, la possibilité de contrôler ce système par la voie de l'image filmée émerge. Nous faisons ainsi peu à peu incursion dans ce projet en constante production et surveillance de lui-même.
En résulte un regard sur la construction du sujet dans un contexte d'hypermédiatisation et de surveillance quasi perpétuelle. L'espace privé est peu à peu abandonné, sujet à l'autorité qu'exercent les médias en tant que vecteurs de perception de soi. L'observation permanente s'internalise, l'être humain se situant dans un contexte de continuelle conscience de soi et de représentation. Son adéquation au monde est validée par le reflet de l'image exhibée, signe d'une maîtrise de soi.
Marlène Renaud-B. aime réfléchir à la manière dont le contexte social et culturel transforme la constitution de l'individu et conséquemment les pratiques artistiques. Elle investigue notamment la performativité de la constante production de soi au sein d'une société vivant en accéléré et ses influences sur la transformation de la temporalité. Elle est travailleuse culturelle, artiste indisciplinaire et aspire à la vie sur mars.